L’habitation semi-enterrée en os de baleines
maquette et recherche par
Noémie Jacolin et Marion Lambert
TERRITOIRE
Reconnu comme étant les plus proches ancêtres des Inuits, la culture thuléenne est apparue dans les régions arctiques de l’Alaska il y a environ 1100 ans et s’est rapidement répandue jusqu’au Groenland. Les Thuléens arpentaient le territoire en petits groupes familiaux de 20 à 125 personnes. Leurs déplacements se sont principalement faits à pied et en traineaux à chiens.
MODE DE VIE
La chasse à la baleine occupait une place très importante dans la culture thuléenne. Sous la direction d’un chef baleinier, tous les hommes d’un groupe travaillaient ensemble dans l’objectif d’abattre une baleine qui leur fournirait de la nourriture, de l’huile à combustion et de grands os pour la construction de leurs habitations et de leurs outils.
Pour assurer leur survie et avoir accès à un maximum de ressources (plantes, mammifères terrestres et marins, poissons, oiseaux), les Thuléens étaient en déplacement constant. Ce mode de vie nomade aux schémas saisonniers se reflète également dans leurs nombreux types d’habitation. La résidence hivernale la plus spécifique à leur culture est sans contredits l’habitat semi-enterré en os de baleines.
L’HABITAT SEMI-ENTERRÉ EN OS DE BALEINES
D’une profondeur de 1/2 mètre, l’habitation creusée à même le sol se compose en deux sections distinctes. L’espace principal correspond à une grande pièce circulaire aux multiples fonctions et surélevée du sol par une plateforme de bois recouverte de peaux d’animaux. Son accès y est possible via un couloir abritant des alcôves de chaque côté. Gilles Tassé, chercheur et ex-professeur d'archéologie à l'Université du Québec à Montréal, explique dans L’archéologie au Québec (p.119) : « Le couloir d’accès, en maintenant l’air froid sous l’espace habité, rendait plus efficace le chauffage de ce dernier par la lampe. Il offrait aussi un espace de rangement pour les réserves de nourritures (viande et poisson gelés) qu’on protégeait ainsi, de même que les chiots naissants, contre la voracité de la meute». Le sol de l’habitation était maintenu à une température acceptable grâce à un ingénieux système où des pierres étaient appuyées sur d’autres de manière à laisser un espace d’air entre elles et ainsi limiter les pertes de chaleur.
Depuis l’extérieur, le confort de l’habitation thuléenne était assuré par une l’isolation composée de peaux appuyées sur l’ossature et d’une fine couche de tourbe. La neige, dans une bonne épaisseur, relevait la même fonction.
Bien qu’initialement la charpente de l’habitation était faite de bois, les Thuléens ont su transposer leurs méthodes constructives aux os de baleines quand celui-ci est venu à manquer au fil de leurs déplacements. La culture thuléenne a ensuite développé une relation animiste à l’égard des baleines. L’emplacement de chaque os avait une signification singulière. Par exemple, ce n’est pas par le fruit du hasard que l’on retrouvait l’os de la mâchoire à l’entrée de l’habitation. Cet agencement renforçait cette impression d’entrer à l’intérieur d’une baleine, expliquent Katherine Patton et James Savelle des départements d’anthropologie des Université de Toronto et McGill.
MYTHES ET CROYANCES
Fait intéressant, de nombreuses histoires racontent les rituels qui avaient lieu dans les maisons en os de baleine et qui avaient pour but de favoriser les chasseurs dans leur quête. La femme du chef de village (ataniq), représentait l’âme de la baleine pourchassée. Elle devait respecter des règles strictes et se comporter (dans le cas des femmes Tikigaq d’Alaska) comme si elles étaient malades et fatiguées, bougeant très peu. Ce comportement était destiné à troubler l’esprit de la baleine et lui faire croire qu’elle était elle-même faible et épuisée.
Squelette d'une baleine boréale,
PATTON Katherine, SAVELLE James, «The symbolic dimensions of whale bone use in Thule winter dwellings», Études/Inuit/Studies, vol. 30, n° 2, 2006, p. 137-161
PATTON Katherine, SAVELLE James, «The symbolic dimensions of whale bone use in Thule winter dwellings», Études/Inuit/Studies, vol. 30, n° 2, 2006, p. 137-161
Gilles Tassé, L’archéologie au Québec, mots, techniques, objets, Fides, 2000. P.119