Maison de la SHQ
maquette et recherche par
Mathieu Avarello & Brigitte Messier-Legendre
TERRITOIRE
La population inuit du Québec compte aujourd’hui près de 10 000 habitants répartis le long des côtes du Nunavik, un territoire délimité par le 55e parallèle au sud et par les frontières interprovinciales et faisant près de 507 000 km2. Formant quatorze municipalités, les Inuit ont se sont sédentarisés vers les années 1950.
Le climat subarctique du Nunavik est aride, les hivers: longs et froids. La morphologie et la végétation du territoire rendent les installations particulièrement vulnérables aux accumulations de neige, et aux vents pouvant atteindre 140 km/h. À Kuujjuaq, par exemple, l’hiver s'étend du début octobre à la fin avril, apportant avec lui une accumulation moyenne de neige de 2,51 m ainsi que des températures s’abaissant communément autour de -25°C, quelquefois jusqu’à -40°C. Les mois d’octobre à janvier comptent une moyenne très basse de 1 à 2 heures d’ensoleillement par jour.
LA SHQ ET LA RÉALITÉ MODERNE
La Société d’Habitation du Québec (SHQ) est le principal organisme gouvernemental responsable de l’habitation sur le territoire québécois. Depuis la Convention de la Baie-James et du Nord Québécois en 1981, la SHQ s’occupe de la rénovation et de la construction de logements sociaux dans les villages du Nunavik.
Malgré ses efforts soutenus depuis lors, un manque invariable de 1000 logements reste à combler. Pour suivre les tendances démographiques des communautés inuit, le parc résidentiel nécessiterait la construction annuelle d’un minimum de 80 unités.
Encore aujourd’hui, 90% de la composition du parc résidentiel du Nunavik est composés de logements sociaux. N’ayant pas de marché privé de logements locatifs, la SHQ demeure d’une importance capitale au sein des communautés.
En plus de ses interventions tangibles en construction et en rénovation, la SHQ étend son rôle jusqu’à l’élaboration de standards d’efficacité énergétique et à la conception de systèmes constructifs adaptés, dans toute la modestie et l’accessibilité qu’un programme d’aide sociale impose comme contrainte. Ces standards et méthodes de construction ont contribué à produire l’image actuelle des villages du Nunavik, les diverses typologies de logement étant toutes affublées des mêmes matériaux et présentant tous le même degré d’esthétisme architectural.
PROCÉDÉS CONSTRUCTIFS
En réponse à l’irrégularité de la composition et de la stabilité du sol, à l’impossibilité de le remanier facilement, les maisons sont érigées sur des vérins ajustables déposés sur un radier compact, permettant d’implanter le bâtiment à niveau, et d’effectuer des ajustements au besoin. Ceux-ci, en offrant une plus faible résistance au vent qui s’engouffre de part et d’autre de la maison, contribuent à limiter ses effets néfastes.
Pour contrer les températures extrêmes, une isolation thermique accrue est de mise. Les valeurs RSI minimales sont donc haussées d’environ 25% par rapport au sud de la province. Un double plancher, dont l’interstice est chauffé, stratifie l’enveloppe et contribue à l’isolation en restreignant les mouvements de convection de l’air chaud. L’accès à la maison, fait de séquences et de vestibules, contribue aussi à combattre les grands froids.
Le gabarit des maisons doit être compact, tendre vers une forme cubique et éviter tout décroché ou articulation superflue afin d’éliminer les ponts thermiques. Le profil du toit est restreint à une volumétrie particulière: de faibles pentes, au ratio 1:3, optimisent l’équilibre entre l’accumulation de neige et l’obstruction du vent.
Le revêtement de façade de tôles colorées aux stries verticales sert également de prise d’air pour l’entre-toit. Des percements qui y sont dissimulés et des ventilateurs placés au faîte s’occupent d’aspirer l’air, s’assurant sa circulation. Un filtre média y évite l’infiltration de poussière de neige, dont l’accumulation dans les entre-toits pourrait nuire à l’isolation et à l’étanchéité de l’enveloppe. Des évents de plomberie chauffés par un antigel au glycol sont aussi installés sur le toit, afin d’éviter l’obstruction par la glace.
Les villages n’étant pas équipés de réseaux sanitaires et d’aqueduc en raison du pergélisol, toutes les maisons sont équipées individuellement de réservoirs d’eau potable et d’eaux usées. Placés à l’intérieur du bâtiment, ils se retrouvent dans des espaces chauffés. Le chauffage, quant à lui, est assuré par la combustion du mazout ou du diesel, qui est stocké dans des réservoirs extérieurs à l’arrière des bâtiments. Étant donnée l’étanchéité accrue de l’enveloppe, un système de ventilation mécanique particulièrement performant est installé dans les maisons afin d'extraire toute trace de gaz volatilisé.
ORGANISATION FAMILIALE ET COLLECTIVE
L’influence occidentale étant de plus en plus perméable, il est possible de constater une dichotomie dans l'aménagement traditionnel de l’habitation inuit. Les espaces cuisine et vivoir constituaient autrefois un tout; le centre névralgique de l’habitation où la plupart des activités quotidiennes s’effectuaient. L’arrivée de nouvelles d’activités, telle que la télévision, a certainement changé le quotidien des Inuit, leur donnant ici une volonté étrangère de distinguer ces deux espaces. Une contradiction se présente alors entre l’aménagement traditionnel inuit et certaines de leurs activités contemporaines. Cela dit, la SHQ, dans ses constructions les plus récentes, semble tendre vers une ouverture de l’espace de vie.
Les pièces plus privées de la maison comportaient initialement un grand espace commun sans séparation. À la suite du contact plus marqué avec les sociétés occidentales, un désir d’intimité est apparu et le cloisonnement des chambres et maintenant chose courante dans la maison inuit.
Enfin, à l’échelle du paysage urbain, l’appropriation de l’espace résidentiel semble difficile. Bien qu’un certain lotissement associe un terrain à chacune des habitations, la faible utilisation de ces espaces se limite souvent au rangement d’équipements ou de véhicules, et varie d’un ménage à l’autre. De plus, l’absence d’infrastructures d’aqueduc et sanitaires implique la nécessité de circuler avec des camions-citernes entre les maisons. L’aménagement des villages se fait donc en considérant leur accessibilité à ce passage. La trame urbaine développe alors une tendance orthogonale.